Théorie orthodoxe de la stabilité des aéronefs


Il faut retenir que l'étude des courbes obtenues à partir des mesures en soufflerie des profils habituellement utilisés pour les avions conduisent aux principales remarques suivantes (on notera en jaune les hypothèses simplificatrices propres à cette théorie):

  Courbe Cz(α)



Cz augmente à peu près linéairement avec l'incidence depuis l'incidence α0 ( légèrement négative) de portance nulle  jusqu'au décrochage αd = 17° ici.

Courbe Cm(α)

Elle est obtenue à l'aide de la balance aérodynamique suivante:


Traditionnellement, on prend pour point de pivotement le bord d'attaque du profil.
Les autres points servent à vérifier les équilibres qu'on verra plus bas.


Cm diminue linéairement (devient de plus en plus piqueur) avec l'incidence depuis l'incidence αe d'équilibre ( plus négative que α0) jusqu'au décrochage.
αe incidence de moment nul = équilibre du profil articulé au bord d'attaque portance négative (en clair: le profil vole de façon stable sur le dos)
α0 incidence de portance nulle:  le profil est soumis à un couple pur noté Cm0
αd incidence de décrochage: le couple piqueur est maximal ce qui est une bonne chose pour la stabilité.

On peut combiner ces 2 courbes en une seule: Cm =f(Cz)

Courbe Cm=f(Cz)



L’abscisse et l'ordonnée de cette courbe représentent les 2 composantes du torseur des efforts sur le profil .
Ces 2 paramètres étant au peu près linéaires par rapport à α, cette courbe aura pratiquement la même allure que la courbe Cm=f(α) en gros elle sera de la forme Cm = Cm+ k.Cz

Le coefficient Cm0 sera obtenu pour Cz = 0

Le coefficient k représente la pente de la courbe, il est de la forme dCm/dCz donc homogène à une dimension, on verra plus bas qu'elle représente la position relative du foyer sur la corde.

Conditions d'équilibre

Dans cette théorie, on suppose que c'est le poids de l'aéronef qui doit équilibrer la portance, la trainée étant équilibrée par la force motrice.

On suppose aussi que le centre de gravité (CdG) se déplace sur la corde qui reste horizontale lors des variations de centrage.
Cette condition est bien évidemment fausse car la corde tourne par définition avec l'incidence, mais tant que les angles sont petits le cosinus(α) reste voisin de 1.

Le centre de gravité où s'applique le poids mG doit donc être rigoureusement dans le prolongement de la ligne d'action (verticale) de la portance sinon il naît un couple qui tend à modifier l'incidence et détruit l'équilibre.

Ce qui veut dire que si le profil est articulé autour d'un point A1 A2 (centrage) en soufflerie le moment doit être nul pour l'incidence d'équilibre (de ce centrage) car une articulation qui fournit la force de réaction à la portance ne peut fournir un couple au profil.

Ce point d'articulation étant conventionnellement le bord d'attaque, la courbe Cm(α) montre que cette condition se produit pour αe.très négatif.
La courbe Cz(α) montre que Cz(αe) est négatif!

En clair: la portance équilibre le poids si le profil vole sur le dos!

Tout praticien pouvait deviner que ce n'était pas une bonne idée de mettre le centre de gravité au bord d'attaque.

Conditions d'équilibre stable

L'équilibre est une condition nécessaire mais elle n'est pas suffisante.

Si l'équilibre est  instable ou même indifférent, l'aéronef ne pourra le conserver longtemps dans une aérologie qui ne serait pas parfaite.

La stabilité exige que si à partir d'une position de vol équilibré, l'incidence augmente pour une cause externe, il en résulte un couple piqueur qui ramène l'aile à son incidence d'équilibre comme le feed-back d'un automatisme.

Réciproquement, si l'incidence diminue il devra en résulter un couple piqueur.

Cette condition est remplie quand la courbe Cm(α) est décroissante, mais on a vu qu'elle conduisait à un équilibre pour une incidence négative.

Pour que l'équilibre ait lieu pour des incidences positives (où le profil développe ses meilleures propriétés), il sera impératif d'avoir un Cm0 cabreur (positif) comme dans la courbe suivante:


Ce qui peut être obtenu en modifiant la forme du profil (réflex) ou en adjoignant un empennage déporteur qui fournira ce couple cabreur .

L'incidence pour laquelle le moment est nul est donc l'incidence de vol équilibré pour ce centrage.



Il en résulte que Cm0 doit être cabreur, c'est à dire positif suivant nos conventions, pour que αe
soit suffisamment positif pour que Cz(αe) soit positif et raisonnablement grand.


Une règle empirique qui facilite bien la vie des concepteurs qui doivent définir la position du centre de gravité  conduisant à un équilibre stable a été découverte:

Foyer

La forme de la relation  Cm = Cm+ k.Cz (au bord d'attaque A) nous rappelle la relation de Varignon: 

CmG1 = CmA + AGCZ

Formulation de la théorie orthodoxe

  1. il existe un point appelé foyer (généralement situé au premier quart de la corde)  par rapport auquel le moment de la portance reste constant quand l'incidence varie, c'est donc en ce point que s'appliquent les variations de portance puisqu'elles ne créent pas de variations de moment


La portance étant la somme de la portance initiale et de la variation due au changement d'incidence ne s'appliquent pas rigoureusement au foyer, mais la suprématie du 2ème terme fait qu'on en est pas loin quand on vole aux grands angles.

Formulation des conséquences de la théorie orthodoxe

  1. Les profils se caractérisent par le couple  Cm0 qui représente le couple pur appliqué au profil pour l'incidence α0 de portance nulle.  
  2. Quand l'incidence augmente, la portance apparait et croît proportionnellement; c'est une force pure qui s'applique au foyer.
  3. Le couple résultant est la somme de Cm0 et du couple créé par la portance.

Les courbes montrent immédiatement que le signe du Cm0 conditionnent le comportement du profil

 Cm0 < 0  Profils classiques (instables)
 Cm0 = 0 Profils symétriques (instables)
 Cm0 > 0 Profils reflex ou avions empennés (stables)

Effets des conséquences

Les profils symétriques ont un Cm0 nul par raison de symétrie, en conséquence on peut équilibrer la portance en plaçant le CdG au foyer, c'est une condition d'équilibre mais elle ne serait pas stable même si la théorie était parfaitement exacte.
Le moindre écart par rapport au cas idéal va encore amplifier les conditions du déséquilibre.
Pour un profil stable (  Cm0 > 0)
En toute rigueur, si on centre au foyer on ne pourra avoir équilibre car il persiste le couple cabreur Cm0, mais on peut s'en rapprocher très près puisque Cz augmente avec α, la distance entre le foyer et le CdG qui constitue le bras de levier diminuera en proportion inverse.

Formulée comme ça, cette théorie est très pratique pour équilibrer un avion à sa conception.

Par contre, en raison de la mauvaise compréhension générale de ce qu'est un couple, elle rend confus le principe pour un non théoricien.

On peut aider en regardant ce que devient la résultante quand le torseur (force + couple) varie suivant la théorie orthodoxe.

Pour un angle α donné, on applique au foyer la force CZ  (égale à une constante près à  FZ) correspondante et on constitue le couple Cm0 avec 2 forces égales à CZ.

Le bras de levier sera par définition  d= Cm0/CZ


 Le problème (simple) est: Quelle force unique (résultante) est équivalente à ce système (torseur)?


La solution (élégante) revient à remarquer que pour une raison de symétrie, la force rouge vient équilibrer le système, ce sera là qu'il faudra appliquer le poids (directement opposé à la portance) soit à une distance d du foyer.

Cm0 étant constant, d est par définition inversement proportionnel à CZ donc à α.

On peut appliquer cette construction à tous les CZ obtenus en faisant varier l'incidence, par exemple avec le Cm0 > 0 d'un profil stable.


Les théoriciens appellent "marge statique", la distance entre le centrage et le foyer.
On voit bien que plus elle est grande, plus l'équilibre sera stable mais aussi plus la vitesse équilibrant mG avec la RPA sera grande.
On voit aussi que le centrage au foyer correspond à un équilibre au delà des grands angles ce qui est irréaliste.

Le simulateur ci-dessous permet de vérifier les interactions entre les différents paramètres évoqués:
Si vous avez une version un peu ancienne de Firefox, il faudra rentrer les valeurs numériques dans les sliders, sinon profitez de la modernité du curseur analogique. Si vous utilisez Internet Explorer, on ne peut pas grand chose pour vous.

Simulation 2D du déplacement de la résultante des pressions aérodynamiques RPA sur un profil en fonction de l'incidence

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Angle d'incidence
0 degré90 degrés


Moment initial
Cm0 <0 Cm0 >0
Valeur de Cm0
Piqueur           I             Cabreur 

Courbe Symétrique Réflex

Dans la pratique ce raisonnement subtil n'a pas beaucoup d'intérêt car il porte sur une zone où les hypothèses deviennent d'autant plus fausses qu'on envisage une aile dans le domaine 3D avec les variations de corde, de profil et de calage qui délayent le phénomène de décrochage.

Mais c'est précisément là qu'une simulation plus rigoureuse pourra compléter cette théorie qui est suffisamment pratique pour les angles de vols courants des avions.

La simplification ne s'appliquera plus mais les principes de physique restent valables et les moyens de calculs modernes permettent de suppléer la règle simpliste de linéarité sur laquelle la théorie orthodoxe est bâtie.

Cette règle empirique est plutôt un tour de main de praticien, elle n'est basée sur aucune théorie et n'est  valable que dans la mesure ou s'appliquent les linéarités sur lesquelles elle est basée, c'est à dire pour le faible éventail des incidences et pour les profils en usage dans l'aviation classique.

Elle aurait quand même pu éviter la faute magistrale du centrage en arrière du foyer:




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