3 polaires

La portance est créée par l'intégration des pressions aérodynamiques lorsqu'un profil se déplace relativement à un volume d'air fixe.

Ces pressions ne sont pas constantes (du blanc au bleu) en tous points de l'espace, donc particulièrement à sa frontière avec le profil  et elles sont dues à la façon dont le profil déforme le champ des vitesses autour de lui (lignes de courant en blanc).


On peut le voir de façon intuitive comme une somme de forces.

Mais il faut se souvenir que les forces n'ont pas d’existence  réelle en physique.

Par contre, elles se prêtent aux calculs vectoriels, on les construira donc comme résultantes de pressions sur des domaines supposés bien choisis (d'où l'incorrection du  F dans le terme RFA pour la résultante que nous adopterons quand même pour se conformer aux usages).

Nous allons étudier la façon dont varie cette résultante en fonction de l'angle d'incidence pour un profil donné.

L’expérimentation réelle étant très difficile à mettre en œuvre, on l'approche en réalisant des mesures en soufflerie.

A titre d'exemple, nous allons partir des résultats obtenus pour un profil classique bien connu des modélistes le Clark Y:


Nous allons copier ces données dans Excel en les réorganisant pour montrer la variable d'entrée (en vert), les résultats expérimentaux obtenus (en brun) et des calculs effectués par les expérimentateurs (à vérifier!) à partir des données mesurées (en bleu ciel)

Dans tout ce qui suit, nous étudierons un profil 2D, conscient du fait que le comportement réel de l'aéronef complet ne peut être que dégradé relativement à lui.

Notre premier but est de mettre en lumière certains comportements à connaître et non pas de faire une simulation précise quantitativement.

Dans cet esprit nous traiterons les composantes de force (Fx) comme leurs coefficients (Cx).

Comme ils ne sont reliés que par des rapports de proportionnalité, les résultats présentés sont donc cohérents, il suffit d'imaginer qu'ils sont évalués dans une unité physique non officielle mais vraisemblable.

Par exemple on peut considérer que comme:


On a:

 et si ce n'est pas le cas, au besoin, tout multiplier par le facteur de proportionnalité.  

La polaire de Eiffel    (AEF aile? private joke!)

Cette polaire consiste à tracer la composante verticale en fonction de la composante horizontale pour chaque incidence.

On a ainsi la trace de la RFA dans le repère de la soufflerie quand on fait varier l'incidence entre -4°  et 30°.

L'étude consiste simplement à faire tracer par Excel, le nuage de points correspondant aux colonnes 2 et 3

On obtient ce résultat classique:

qu'on peut tracer en axes orthonormés pour appréhender le côté réel du phénomène.


La polaire de Lilienthal

Lilienthal qui était un pilote d'ultra-léger (en fait le premier) et non un rampant lié à la terre comme Eiffel, a ressenti le besoin de tracer l'évolution de la RFA dans le repère de l'aile plutôt que dans celui de la soufflerie.

Ça complique un peu la présentation, mais on verra que ça enrichit énormément la compréhension du vol ultra-léger.




Ct est la projection de la RFA sur la corde du profil (axe T), Cn sur sa normale (axe N) (pour ia = 0°; elles correspondent à Cx et Cz)

Le calcul consiste simplement à effectuer le produit scalaire de la RFA par le vecteur unitaire de chaque axe lié à la corde.


Ce qui revient aussi à faire tourner le vecteur RFA dans son repère d'un angle égal à l'angle d'incidence ia .


La même en axes orthonormés


On remarque un phénomène étrange: entre 4° et 35° , la RFA tire le profil vers l'avant de la corde (Ct < 0).

Propriété étonnante, puisque la RFA tire toujours le profil vers l'arrière de la soufflerie (Cx > 0), sinon on a inventé le mouvement perpétuel.

Pourtant tout le monde a vu des graines de sycomore, il suffit de se demander ce qui les fait tourner (et dans le bon sens)

Il est important d'étudier ce comportement qui intéresse l'aviation classique par la sollicitation en flexion dans le plan de l'aile des planeurs lors d'une ressource, le fonctionnement des hélices en moulinet, l’auto-rotation des hélicoptères qui permet le fonctionnement des autogires et les raisons profondes de la stabilité des vrilles établies.

Dans ce dernier cas, l'étude du croquis ci-dessus donne la solution: il suffit d'augmenter le Cx pour que la RFA passe du bon côté de l'axe N, c'est ce qui était fait avec les parachutes anti-vrille montés au moins sur les protos dont on était pas trop sûr de l’irréversibilité de la mise en vrille.

En aviation ultra-légère, ce comportement conditionne le gonflage des parapentes (particulièrement en paramoteur), leur comportement en entrée de thermique, le tumbling des deltas et leur poussé final à l'atterrissage.

En prolongeant un peu la courbe aux grands angles, on voit qu'elle traverse 2 fois l'axe N, donc 2 fois elle passe par une position d'équilibre (Ct=0); ce qui explique le point d'arrêt (instable) lors d'un gonflage peu tonique et le point de gonflage correct en statique dans le vent relatif local (en négligeant le poids de la voile).

La polaire des Vitesses

A partir de ces données, on peut aussi calculer le vecteur vitesse (donc la trajectoire) d'un planeur muni de ce profil dont la RFA est en équilibre avec le poids à différentes incidences.
On reporte le diagramme de la RFA précédent, on l'incline jusqu'à ce que la RFA soit strictement opposée au poids (vertical).

L'aile prend une nouvelle assiette égale à l'angle de la trajectoire (α) moins l'angle d'incidence (ia).

L'hypothèse vue plus haut d'assimilation des forces (Fx) à leur coefficients (Cx) imposait implicitement une vitesse Vo


Comme il y a peu de chance que le poids corresponde exactement à la RFA déterminée en soufflerie, l'équilibre se fait automatiquement quand le planeur atteint une nouvelle vitesse de vol V.



Chaque incidence permettra de calculer la vitesse de vol correspondant.

On peut tracer la polaire de la vitesse de vol (vectorielle) puisqu'on connaît sa grandeur (V) et son angle par rapport au repère terrestre (α).
 
Ces 2 composantes sont la vitesse horizontale (Vh) la vitesse verticale (Vz) (improprement appelé taux de chute)

Cette polaire est la seule que connaissent certains pratiquants.

Bien qu'elle soit un peu plus compliquée à déterminer, elle a l'avantage de bien représenter le domaine de vol donc de faciliter son optimisation.
On en profite pour recalculer la finesse, on retrouve à peu près les mêmes valeurs; les petites erreurs numériques qu'on observe donnent une indication sur la précision et le soin des calculs qui à l'époque étaient faits à la main.


Classiquement, on en profite pour représenter le "taux de chute mini" Vz min et la finesse max.

Maintenant, la partie principale en axes orthonormés qui représente l'angle réel de la trajectoire


Cette polaire à l'avantage de montrer quelles sont les incidences qui optimisent l'angle de plané lorsque la masse d'air a une vitesse constante par rapport au sol, mais elle n'explique pas comment piloter cette incidence en vol équilibré.

La disposition d'un tableur et des données du domaine public nous ont permis de retrouver des résultats qu'on trouve dans d’innombrables sources, même si il y en a peu qui font le lien, comme ici, entre les différentes polaires.

Continuons et voyons comment on peut aller encore plus loin et trouver des résultats dont je n'ai jamais vu l'équivalent nulle part. --->     La suite 

Jusqu'à maintenant nous n'avons pas utilisé de notions plus compliquées que l'expression d'un même vecteur dans différents repères; là il faudra aller jusqu'aux notions de moment d'une force et de couple.

Ces principes, connus depuis plus de 2 millénaires, sont maintenant enseignés en seconde et ils ne devraient pas arrêter beaucoup dans un pays où 80% des classes d'âge sont censées avoir le niveau du bac.
CB

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