Migration de la RFA

Les 3 polaires que nous avons vues ne considèrent pas le point d'application de la RFA, ce n'est pas très grave lorsqu'on s'intéresse au vol d'un avion, mais nous allons voir qu'en aviation ultra-légère, ce point d'application conditionne un certains nombre de comportements qui sont connus empiriquement, mais dont je n'ai trouvé nulle part un début d'explication argumentée.

Commençons par tenter de retrouver par quel cheminement intellectuel on est arrivé à la notion de foyer en aérodynamique classique et quelles sont les limites de cette hypothèse simpliste.

La colonne Cmba des données de soufflerie donne le moment de la RFA par rapport au bord d'attaque.

Les règles de calcul du moment qu'on peut trouver ici permettent de déterminer le moment en d'autres points: par exemple le bord de fuite ou un point conventionnel appelé foyer (à 25% de la corde)
Comme on le sait par empirisme, le moment au bord d'attaque (qui est piqueur) croît avec l'incidence et sa pente diminue et change de sens quand le point d'application se déplace vers le bord de de fuite.

On a appelé foyer le point où il devient négligeable,voyons ce qu'il en est en grossissant sa courbe de réponse.


En réalité, le moment n'est pas tout à fait nul mais il à l'air à peu près constant sur une zone qui va de 1° à 15°.

C'est sur cette hypothèse simplificatrice qu'est bâtie la théorie orthodoxe de la stabilité longitudinale des aéronefs  --->  voir ici.

Elle a 2 gros inconvénients:
  1. Un nombre étonnant d'experts confondent "constant" et "nul" et prétendent que la RFA s'applique au foyer (ce qui fait de l'exposé de cette notion un test imparable pour juger de la vraisemblance desdits experts, car même les meilleurs pédagogues n'en sortent pas indemne)
  2.  
  3. Elle n'est vraie que pour une plage d'incidence qui couvre à peu près le vol de croisière des avions de tourisme mais pas le domaine de vol parfois extravagant parcouru par nos ailes en aviation ultra-légère.
Les moyens modernes permettent de calculer rapidement la position exacte du point d'application de la RFA, alors pourquoi se priver de cette information?

Maintenant, nous allons regarder le gonflage d'un parapente et plus spécifiquement celui d'un paramoteur qui représente toute l'excursion du profil dans la soufflerie naturelle qui est le (léger) vent de face horizontal.

Pour cela, il nous faudra  savoir exactement quel est ce couple mystérieux qui permet à la voile de décrire une arc de 90° et de venir se mettre en position de vol avant que le moteur ne lui procure la poussée qui fera décoller l'aéronef.
Il nous faudra connaître la géométrie du suspentage afin de savoir quel est le couple par rapport au mousqueton de fixation de la voile qui tend à faire tourner la voile vers sa position finale (comme la polaire de Lilienthal nous l'avait laissé deviner).

On calcule suivant la méthode déjà présentée, le moment par rapport aux points qui représentent la position du mousqueton autour duquel tourne la voile au cours du gonflage.
On en a profité pour ajouter 2 positions qui représentent les trimages cabré et piqué de la voile (avec des déports de 0,6 corde et  0,2 corde au lieu des 0,423 corde du suspentage détrimé)

On observe que conformément à l'expérience, chaque réglage fournit les points d'équilibre ( couple nul) qui correspondent à son centrage.

On vérifie que seul le 2ème point d'équilibre (petits angles) est stable et que le premier fait retomber la voile pour les angles plus grands que lui.

Cette petite étude confirme l'intérêt d'un centrage piqueur pour faciliter la levée de la voile et la nécessité de faire un point d'arrêt  pour lui faire passer par son inertie le premier point d'équilibre aux grands angles quand la voile est trop paresseuse.

Essayons de dépasser maintenant les 3 types de polaires déjà présentés (rarement ensemble) en leur adjoignant l'information de la position du point d'application de la RFA.

Le premier diagramme correspond à la polaire de Eiffel en présentant la RFA complète (avec son point d'application) telle qu'elle se situe dans le repère de la soufflerie quand l'incidence varie.
Sa connaissance est incontournable lorsqu'on prétend comprendre le vol pendulaire.

On visualise bien le parcours de la RFA lors du poussé final en delta.

On peut comprendre en particulier que la forte augmentation de la RFA vers 20° va transformer facilement l'arrondi en cloche qui va monter le pilote à une hauteur inquiétante, emmagasinant de l'énergie potentielle prête à se transformer en énergie de déformation.

D'autant qu'au sommet de la cloche; à vitesse nulle et forte incidence le fort couple piqueur va empêcher l'aile de cabrer pour parachuter.

Toute la subtilité du posé en delta consiste à maîtriser la vitesse (dont le carré fournit la norme de la RFA) et l'inertie de la voile pour la faire passer à coup sûr du côté instable du premier point d'équilibre déjà vu.

Le tracé de la RFA dans le repère de l'aile correspond au même principe que la polaire de Lilienthal.

A la différence qu'on applique la RFA à son vrai point d'application sur la corde du profil au lieu de l'appliquer toujours au même point.
On peut déjà imaginer que dans un système pendulaire, la RFA sera équilibrée par le poids du pilote (en négligeant en première approche le poids de l'aile évidemment)

Si on ajoute la façon de calculer la vitesse et la trajectoire déjà présentée dans la polaire des vitesses, on accède à la façon dont le couple pendulaire créé par le poids du pilote permet de contrôler l'incidence de vol équilibré.

Le diagramme obtenu en faisant tourner la corde de chaque point d'incidence déterminé précédemment autour du bord d'attaque d'un angle qui ramène la RFA à la stricte verticale, permet de déterminer les assiettes correspondantes de l'aile dans le repère du sol.

On en profite pour représenter la corde (en gris) et la vitesse (en rouge) correspondant à chaque incidence.

Le diagramme devient si vite confus qu'il faut se limiter à quelques points seulement.
En agrandissant la zone sensible, on voit qu'une très faible variation du couple de pilotage pendulaire fait parcourir une grande zone d'angles d'incidence.



On voit que de très faibles variation longitudinale du centre de gravité font parcourir une grande plage d'incidence, ce qui dénote une quasi-instabilité de ce mode de pilotage.

Ce que confirme la courbe (présentation inverse de l'habituelle) des couples en fonction de l'incidence qu'ils induisent.

La  partie quasi horizontale entre 4° et 14° indique que la stabilité pendulaire ne serait pas satisfaisante.

Là, il faut se rappeler qu'on est parti des données de soufflerie de l'aile seule (qui a une finesse de 24) et que le PUL complet aura forcément un Cx supérieur qui permettra peut-être le contrôle du tangage par l'effet pendulaire.

Les bizarreries des courbes pour les petits angles peuvent aussi faire mettre en doute les données initiales obtenues longtemps avant l'essor de nos engins pendulaires.

Si on veut étudier la stratégie d'atterrissage avec ces données, on s'aperçoit que la vitesse (l'énergie cinétique) varie très peu quelque soit l'approche.
Cette analyse pourrait faire conclure à la nécessité de faire l'approche aux grands angles.


Si on étudie les 2 composantes de la vitesse il vaut mieux se poser au taux de chute mini si on cherche à ne minimiser que la vitesse verticale.

Cette stratégie peut être acceptable, si on ne tient pas compte de la vitesse horizontale (atterro à ski ou sur chariot)

La préconisation de se poser en parachutal provient aussi du fait que pour une si bonne finesse, la vitesse horizontale est prédominante sur la vitesse verticale.

Mais surtout l'hypothèse de régime équilibré empêche de bénéficier de l'arrondi qui diminue la vitesse verticale et qui permet à la forte portance et à la trainée de créer la décélération qui diminue l'énergie cinétique.

En conséquence, il faudra ajouter les effets de l'inertie à toute simulation qu'on souhaite réaliste.

La démonstration qui vient d'être faite de la capacité de contrôler avec un simple tableur, le comportement pendulaire de nos aéronefs fait d’autant plus regretter qu'il soit absolument impossible de trouver des données du type de celles qui ont été utilisées dans ces articles; qui soient relatives à au moins un des milliers de PUL actuellement en service alors que les constructeurs et les organismes de sécurité prétendent maîtriser ou encadrer leur fonctionnement.

De plus, les données d'inertie qui tiennent compte du volume d'air entraîné par l'aile et l'amortissement de la circulation qui en résulte semblent encore plus difficiles à estimer.

Même s'ils ne décrivent pas encore de manière exhaustive toutes les séquences du vol ultra-léger, on peut aussi s'étonner de ne trouver nulle part des résultats du type de ceux qui sont présentés ci-dessus en raison de la facilité avec laquelle ils ont été obtenus.


CB

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